La rĂ©vĂ©lation essentielle de l’Evangile, c’est la prĂ©sence dominante et envahissante de Dieu.
C’est un appel Ă rencontrer Dieu, et Dieu ne se rencontre que dans la solitude.
A ceux qui vivent chez les hommes, il semblerait que cette solitude soit refusĂ©e. Ce serait croire que nous prĂ©cĂ©dons Dieu dans la solitude : c’est Lui qui nous attend; Le trouver, c’est la trouver, car la vraie solitude est esprit, et toutes nos solitudes humaines ne sont que des acheminements relatifs vers la parfaite solitude, qui est la foi.
La vraie solitude, ce n’est pas l’absence des hommes, c’est la prĂ©sence de Dieu.
Mettre sa vie face Ă face avec Dieu, livrer sa vie Ă la motion de Dieu, c’est bondir dans une rĂ©gion oĂą nous sommes faits solitaires.
C’est la hauteur qui fait la solitude des montagnes et non le lieu oĂą sont posĂ©es leurs bases. Si le jaillissement de la prĂ©sence de Dieu en nous s’exhausse dans le silence et la solitude, elle nous laisse posĂ©s, mĂŞlĂ©s, radicalement unis Ă tous les hommes qui sont faits de la mĂŞme terre que nous.
A celui qui consent cette rencontre solitaire avec Dieu, Dieu donne en surplus la solitude de l’homme. Il nous fait comprendre que, soustraction faite de Ses dons, de Ses impulsions, de Ses vouloirs, il ne reste plus qu’une sorte de pâte commune faite d’un mĂŞme nĂ©ant et d’un mĂŞme pĂ©chĂ©, oĂą l’homme ne voit dans les autres hommes qu’un triste et monotone prolongement de lui-mĂŞme.
Sur cette boue uniforme, les seules distinctions discernables sont les volontés rédemptrices et créatrices de Dieu; elles appellent nos enthousiasmes et nos amours. Mais nous les voyons trop couler de Lui, elles ne nous distraient pas de Lui, elles étendent sur le monde entier Sa solitude.
Madeleine Delbrel (1904-1964)
extrait de son livre “Nous autres gens des rues – textes missionnaires” – Editions du Seuil 1966 – Ă©dition de poche p. 76